Directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de développement durable
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Les grandes entreprises de l'UE doivent accorder une plus grande attention à l'impact de leurs activités sur les droits de l'homme et l'environnement
Directive (UE) 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 relative au devoir de diligence raisonnable en matière de développement durable des entreprises et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859
Mise à jour
En juillet 2024, l'UE a publié sa nouvelle directive sur le devoir de diligence en matière de développement durable des entreprises. Cette directive établit des obligations de diligence raisonnable plus strictes pour les grandes entreprises, ce qui signifie qu'elles doivent identifier, prévenir et mettre fin à toute incidence négative sur les droits de l'homme et l'environnement découlant de leurs activités. La plupart des producteurs et fournisseurs non européens ne seront pas directement concernés par ces obligations. Mais ils devront fournir davantage d'informations sur la production et la transformation, ce qui aidera les grandes entreprises à démontrer qu'elles respectent les nouvelles obligations de diligence raisonnable. Pour les plus grandes entreprises, les nouvelles obligations de diligence raisonnable s'appliqueront à partir de juillet 2027.
qu'est-ce qui change ?
L'objectif de la diligence raisonnable
La présente directive établit des règles obligeant les grandes entreprises à identifier toute incidence négative potentielle de leurs activités commerciales sur les droits de l'homme ou l'environnement, et à prendre des mesures pour prévenir ou atténuer ces incidences et y remédier. Ce processus de gestion des incidences négatives sur les droits de l'homme et l'environnement est appelé "diligence raisonnable". Les entreprises doivent prêter attention aux effets négatifs qui se produisent tout au long de la chaîne d'approvisionnement, en amont et en aval, y compris l'approvisionnement, la fabrication et la fourniture de matières premières.
Les entreprises qui doivent faire preuve de diligence raisonnable
La directive s'adresse aux grandes entreprises qui doivent se conformer directement aux obligations de diligence raisonnable. Il s'agit des entreprises suivantes
- Les entreprises de l'UE employant plus de 1 000 personnes et réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 450 millions d'euros (ou la société mère d'un groupe atteignant ces seuils)
- les entreprises non européennes ayant réalisé un chiffre d'affaires net supérieur à 450 millions d'euros dans l'UE au cours de l'exercice précédant l'exercice le plus récent (ou la société mère d'un groupe atteignant ces seuils).
Les opérateurs qui fournissent de grandes entreprises seront indirectement concernés, car ils devront fournir des informations et des données pour aider ces entreprises à faire preuve de diligence raisonnable.
Quels sont les droits et obligations ?
Les obligations de diligence des entreprises couvrent les éléments suivants.
- Les droits énumérés dans les instruments relatifs aux droits de l'homme (y compris les droits civils, politiques, sociaux et économiques), à condition qu'une entreprise (plutôt qu'un État) puisse en abuser et que l'entreprise ait pu raisonnablement les prévoir dans des circonstances spécifiques. Il s'agit notamment du droit à un salaire équitable/salaire de subsistance adéquat, des droits relatifs au travail des enfants et au travail forcé, des droits à la liberté d'association et à la négociation collective, et des droits à l'égalité de traitement (conformément aux conventions de l'Organisation internationale du travail). Une liste détaillée figure dans la partie I de l'annexe de la directive.
- Interdictions et obligations environnementales énoncées dans les conventions. Les entreprises ne doivent pas causer de dégradation de l'environnement, telle qu'une modification néfaste des sols, une pollution de l'eau ou de l'air, des émissions nocives, une consommation excessive d'eau ou une dégradation des sols ou d'autres ressources naturelles. Les entreprises doivent mettre en place un plan de transition, comprenant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Une liste détaillée figure dans la partie II de l'annexe de la directive.
Principales obligations de diligence raisonnable
Les entreprises directement concernées par la directive doivent prendre les mesures suivantes.
- Intégrer la diligence raisonnable basée sur le risque dans toutes les politiques de l'entreprise et les développer :
- une approche à long terme du devoir de diligence
- un code de conduite
- des processus de mise en œuvre de la diligence raisonnable et de vérification du respect du code de conduite (article 7).
- Identifier les impacts négatifs réels ou potentiels sur les droits de l'homme et l'environnement, et les classer par ordre de priorité en fonction de leur gravité et de leur probabilité (articles 8 et 9).
- Prévenir les impacts négatifs potentiels et mettre fin aux impacts négatifs réels (articles 10 et 11). Les mesures dépendront du fait que l'impact est causé par l'entreprise et/ou ses partenaires commerciaux directs ou indirects, et de la capacité de l'entreprise à influencer ses partenaires. Les mesures peuvent inclure
- la mise en œuvre d'un plan d'action (éventuellement dans le cadre d'une initiative sectorielle ou multipartite)
- exiger des garanties contractuelles de la part d'un partenaire commercial direct ou de ses partenaires, afin qu'ils respectent le code de conduite de l'entreprise
- moderniser les installations
- modifier les plans d'entreprise/les pratiques d'achat
- fournir un soutien aux PME partenaires
- suspendre ou mettre fin aux relations avec les fournisseurs qui ne respectent pas les obligations, lorsque cela n'entraîne pas d'effets plus néfastes sur les droits de l'homme/l'environnement (c'est ce que l'on appelle le "désengagement responsable").
- S'engager avec les parties prenantes (employés des filiales, syndicats, consommateurs, communautés locales) pour recueillir des informations sur les impacts négatifs et formuler des plans d'action (article 13).
-Mettre en place une procédure de réclamation pour permettre aux parties prenantes de déposer des plaintes concernant les impacts négatifs (article 14).
- Contrôler la mise en œuvre de la diligence raisonnable (article 15).
-Publier sur le site web de l'entreprise une déclaration annuelle (les détails seront définis dans une législation ultérieure). Les entreprises qui établissent déjà des rapports sur le développement durable en vertu de la directive 2013/34/UE (voir Nouvelles obligations en matière de rapports sur le développement durable) ne sont pas tenues de publier cette déclaration (article 16).
Gestion de la diligence raisonnable
La Commission européenne élaborera des orientations et des bonnes pratiques sur la manière de gérer la diligence raisonnable, en particulier pour l'identification et la hiérarchisation des impacts négatifs, l'adaptation des pratiques d'achat, le désengagement responsable, la remédiation et l'engagement avec les parties prenantes. Des orientations sectorielles seront également élaborées. Ces lignes directrices seront disponibles d'ici à la mi-2027.
Sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas les obligations de diligence raisonnable
Les États membres doivent établir des sanctions "effectives, proportionnées et dissuasives" pour les infractions au devoir de diligence, les amendes éventuelles étant basées sur le chiffre d'affaires net mondial de l'entreprise (article 27). Si une entreprise omet, intentionnellement ou par négligence, de mettre fin à un impact négatif et/ou d'y remédier, elle sera responsable de tout manquement de ce type qui entraîne directement des dommages aux personnes (responsabilité civile) (article 29).
pourquoi ?
La directive répond à la demande croissante des citoyens de l'UE de traiter les impacts des entreprises sur les droits de l'homme et l'environnement :
- à la demande croissante des citoyens de l'UE concernant l'impact des entreprises sur les droits de l'homme et l'environnement
- l'introduction de lois nationales sur le devoir de diligence des entreprises dans les États membres de l'UE (par exemple, en France et en Allemagne ; des initiatives sont prévues en Belgique, au Luxembourg et en Suède) - les différentes approches nationales créent des conditions commerciales différentes pour les entreprises de l'UE, ce qui peut augmenter les coûts et fausser la concurrence entre les entreprises de l'UE
- des doutes quant à la capacité des initiatives individuelles, en particulier des normes volontaires privées, à apporter des améliorations significatives à la chaîne d'approvisionnement.
Calendrier
Les États membres de l'UE doivent adopter des lois nationales pour mettre en œuvre la directive dans un délai de deux ans (d'ici à la mi-2026).
Les obligations de diligence raisonnable s'appliqueront de la mi-2027 à la mi-2029, en fonction de la taille de l'entreprise (voir le tableau 1 pour plus de détails).
quelles sont les principales implications pour les pays exportateurs ?
Incidences sur les producteurs et les fournisseurs non européens
Dans la pratique, les grandes entreprises soumises à des obligations de diligence raisonnable devront dresser une carte détaillée de leurs activités et de celles de leurs partenaires commerciaux. Elles devront notamment procéder à une évaluation approfondie des domaines dans lesquels des effets négatifs peuvent se produire et sont susceptibles d'être les plus graves. Lorsque les entreprises identifient un risque plus élevé d'impact négatif, elles devront fournir des informations détaillées. Ces informations peuvent provenir de sources publiques ou de fournisseurs. Les entreprises sont censées s'adresser aux partenaires commerciaux de la chaîne d'approvisionnement les plus proches de l'endroit où les effets néfastes peuvent se produire. Cela signifie que les informations ne doivent pas nécessairement être transmises de manière séquentielle le long de la chaîne d'approvisionnement (comme c'est le cas, par exemple, pour la traçabilité de la sécurité alimentaire).
Les entreprises doivent s'engager auprès des parties prenantes non européennes (exportateurs, transformateurs, producteurs) afin d'évaluer les effets néfastes. Elles doivent le faire tous les 12 mois ou chaque fois qu'elles estiment que des risques peuvent survenir, par exemple lorsqu'elles s'approvisionnent dans une nouvelle région géographique. Les fournisseurs doivent toujours être prêts à fournir le type d'informations sur les droits de l'homme et l'environnement requis par la présente directive.
Les grandes entreprises soumises à des obligations de diligence raisonnable doivent élaborer leurs propres codes de conduite et peuvent insérer dans les contrats avec les fournisseurs des clauses exigeant le respect de leurs codes. Toutefois, ces assurances contractuelles ne suffisent pas à démontrer qu'un acheteur a respecté les exigences de diligence raisonnable, et l'engagement des parties prenantes reste nécessaire.
Participation à des programmes volontaires de tiers
Les systèmes volontaires visant à soutenir les normes sociales et environnementales, mis en place par les gouvernements, l'industrie ou les organisations non gouvernementales, peuvent être utilisés par les grandes entreprises pour démontrer qu'elles prennent des mesures appropriées pour identifier et gérer les impacts négatifs, à condition que le système soit objectif et indépendant de l'entreprise. La participation à ces systèmes ne garantit pas aux grandes entreprises qu'elles respectent les exigences en matière de diligence raisonnable, mais elle peut être utilisée comme preuve de bonnes pratiques.
La diligence raisonnable peut-elle apporter des améliorations aux petits exploitants ?
Parmi les droits de l'homme qui doivent être respectés figure le droit "de jouir de conditions de travail justes et favorables, notamment d'un salaire équitable et d'un minimum vital pour les travailleurs salariés et d'un revenu suffisant pour les travailleurs indépendants et les petits exploitants". La reconnaissance de ce droit a été saluée par les défenseurs du commerce équitable(FTAO 2024).
Actions recommandées
Les secteurs agroalimentaires exportateurs devront travailler ensemble pour s'assurer qu'ils peuvent répondre aux exigences de la directive. Les informations précises requises par les grandes entreprises deviendront plus claires au fil du temps (clarifiées par les futures orientations de la Commission), mais les actions suivantes seront probablement nécessaires(Commission européenne 2022).
- S'engager avec les grandes entreprises de l'UE pour s'assurer que chaque droit de l'homme et chaque norme de travail/environnementale sont clairement définis et font l'objet d'actions de mise en œuvre convenues, d'indicateurs de mesure et de rapports, et de moyens pour répondre aux exigences de diligence raisonnable. Les producteurs et les fournisseurs doivent être proactifs pour contrôler les priorités sociales et environnementales et pour élaborer et gérer des plans d'action.
- Établir des définitions et des systèmes pour la collecte, la vérification et la publication des données pertinentes. Les normes internationales telles que les Principes de diligence raisonnable pour une conduite responsable des entreprises et les Principes directeurs de l' OCDE à l'intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises (OCDE 2018, 2023) constituent des points de référence importants.
- Améliorer les initiatives en matière de normes volontaires. Les initiatives existantes peuvent ne pas couvrir l'éventail des questions économiques, sociales et environnementales visées par la nouvelle directive, et les utilisateurs des normes devront s'adapter à l'évolution des exigences.
Ressources
Commission européenne (2022) Faire en sorte que le devoir de diligence obligatoire en matière de droits de l'homme et d'environnement profite à tous.
FTAO (2024) Une loi européenne diluée sur le devoir de diligence vaut toujours mieux que rien. Fair Trade Advocacy Office, News, 15 mars.
OCDE (2018) Principes directeurs de l'OCDE relatifs au devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises. Organisation de coopération et de développement économiques.
OCDE (2023) Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises. Organisation de coopération et de développement économiques.
HCDH (2012) Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme : Mise en œuvre du cadre "Protéger, respecter et réparer" des Nations unies. Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.
Sources
Directive (UE) 2024/1760 relative au devoir de diligence des entreprises en matière de développement durable
Tableaux et figures
Source: Directive (EU) 2024/1760
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